Coin Bien Parler

Aucun ou Aucuns

Commençons par une question : cette phrase est-elle correctement orthographiée selon vous ? 

Sans aucuns frais

En théorie, vous devriez être nombreux à rétorquer immédiatement : « Ben non, si il n’y a aucun frais, alors il n’y a pas de raison de mettre un s à aucun puisque aucun, c’est aucun, c’est zéro… » Si c’est votre cas, vous êtes tombés dans le panneau puisque nous sommes face à une exception ! Effectivement aucun s’écrit toujours sans S, sauf lorsqu’il désigne un mot qui n’existe pas au pluriel. Dans notre exemple, aucuns frais, le mot « frais » n’existe pas au singulier et donc on accorde l’adjectif aucun et on lui ajoute un S. Ce sera la même chose si vous parlez de vacances (aucunes vacances), de travaux (aucuns travaux) ou de funérailles (aucunes funérailles). 

Mais il y a un autre cas ou le mot aucun prend un S. Dans le langage soutenu, voire plaisant, on pourra dire :

Monseigneur, d’aucuns pensent que vous pourriez trouver plaisir à consulter la lettre mensuelle de Kitcreanet

Quelqu’un qui vous veut du bien !

Avant d’expliquer pourquoi on met un S à aucun dans ce cas précis, remontons un peu le cours de l’histoire pour découvrir l’origine de cette expression et de ce pronom indéfini pluriel : d’aucuns. 

L’expression “d’aucuns” est un vestige du sens originel du mot “aucun”, qui signifiait à l’origine “quelqu’un”. Pour comprendre son évolution, remontons un peu dans l’étymologie. En latin classique, l’expression “aliquis unus”, formée des mots “aliquis” (qui signifie “quelque”) et “unus” (qui signifie “un”), signifiait littéralement “quelqu’un”. Les pronoms français “aucun” et “aucuns” ont d’abord signifié “quelqu’un” et “quelques-uns”. Au singulier, le mot pouvait naturellement s’utiliser dans des tournures négatives. Par exemple, une phrase comme “je n’ai vu aucun” signifiait “je n’ai (pas) vu quelqu’un”. Cependant, au fil des siècles, le mot “aucun” a été si souvent employé dans des tournures négatives avec “ne” qu’il a fini par revêtir le sens de “pas un”. Cette évolution est similaire à celle du mot “personne”, qui peut signifier “être humain” ou “nul être humain” selon le contexte. Quant à la forme plurielle “aucuns”, elle a mieux résisté dans le sens positif de “quelques-uns”. 

Aujourd’hui, ce sens ne survit guère plus que dans la locution “d’aucuns”, qui signifie “quelques-uns”, “certains” ou “plusieurs”. Cette expression est généralement considérée comme vieillie ou d’un registre soutenu.

sources : [1], [2], [3], [4]

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