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Technologie et Interférence. Ce terme a été
inventé vers 2014 et désigne « les interruptions
quotidiennes des interactions humaines à cause
des écrans ».C’est cette technoférence qui est à
l’œuvre à chaque fois qu’un parent détourne son
regard du tout petit pour plonger dans son
smartphone.
Pour bien grandir un jeune enfant a besoin
d’interactions sociales et humaines riches et
variées. Prenons le cas du langage : l’acquisition
du langage est uniquement possible avec des
interactions humaines. Des études démontrent
que les écrans n’apprennent ni à parler ni à
l’acquisition du langage. Les mots prononcés par
un écran glissent et n’ont aucun sens pour le tout-
petit.
Le cerveau est programmé pour répondre à des
stimulus humains : un sourire échangé, un regard,
des mots . Des mots qui doivent être associés à des
actes : «viens là, je te mets tes chaussures», «oh !
Regarde !, un oiseau», «tu as chaud, je vais
t’enlever ton manteau». Ça permet au petit
cerveau de comprendre la réalité qui l’entoure.
Les réactions humaines (du papa ou de la maman)
contribuent à sécuriser le petit et sont
indispensables à son bien-être.
Savoir cela c’est une chose… Mais le voir, c’en est
une autre. Pour vous montrer la puissance de ce
phénomène, prenons quelques minutes pour
regarder ensemble cette expérience faite en 1970,
bien avant l’arrivée des écrans dans nos vies (à
part la télévision)…
Cette expérience a été réalisée par un
psychologue (Edward Tronick) pour montrer les
phénomènes d’attachement et de sécurisation des
tout-petits… C’est un peu dur à regarder…
Gardez ça en tête (ça devrait pas être dur) on y
reviendra.
Une autre caractéristique de base du cerveau et de
son développement, c’est que ce cerveau est
littéralement modelé par l’environnement,
littéralement construit sur la base de toutes les
expériences menées par l’enfant. Pour développer
sa motricité par exemple, un enfant doit toucher,
il doit utiliser ses cinq sens, dans un
environnement en 3 dimensions. C’est doux, c’est
dur, ça s’écrase. Une pomme, c’est rond, ça pèse
un peu lourd, c’est sucré, si je la pousse elle roule,
si je la lâche elle tombe… Toutes ces petites
expériences façonnent le cerveau du petit enfant
et créent des milliers de connexions chaque
seconde.
Evidemment, l’expérience est très différente s’il
fait tout ça sur un écran. Avec l’écran, la seule
sensation perçue, c’est le verre lisse et
l’efeurement du doigt. Une étude américaine a
démontré que les applications d’empilage de
cubes sur iPad avec des bébés ne fonctionne pas.
Avec des vrais cubes l’enfant repart de zéro. Idem
pour les bébés qui savent compter en arrivant en
maternelle ! Ils répètent « bêtement », ils
comptent jusque’à 100 mais sans comprendre ce
que ça veut dire. Ils ne savent pas « donner » deux
cubes quand on le leur demande.
Grâce à des jeux traditionnels, l’enfant apprend la
persévérance et la frustration. Je teste, je rate, je
recommence. Les encouragements des parents
contribuent à faire prendre conance à l’enfant.
Les jeux éducatifs sur tablettes n’apprennent pas
la frustration, ce sont des puzzles assistés, des
coloriages quasi automatiques, réalisés avec un
doigt. On donne au cerveau ce qu’il adore : un
résultat rapide, du plaisir et sans effort.
Evidemment, si ensuite vous lui demandez de
faire un dessin avec une feuille de papier et des
crayons, ce sera moins facile, moins joli, moins
réussi et donc super frustrant ! Colère garantie !
Enn, votre enfant n’a pas besoin d’être protégé
de l’ennui. Au contraire, l’ennui est prolique, car
il permet à l’enfant de laisser travailler son
imaginaire, et donc de créer encore de nouvelles